Fête des mères et fête des pères, dites-vous ?
« Aimer un enfant, en effet, c’est lui apporter en permanence paroles, amour, aide et tendresse. Non pas pour le garder pour soi. Mais pour le rendre au contraire capable de vivre, chaque jour un peu plus, loin de soi, ailleurs. Aimer un enfant, c’est faire en sorte de lui être, au fil des jours, de moins en moins indispensable (…). C’est, pour lui ouvrir les portes du monde, renoncer à l’exclusivité de son affection. » in Pourquoi l’amour ne suffit pas, Aider l’enfant à se construire. De Claude Halmos.
Quoi de plus naturel que d’écrire un article sur la fête des mères et sur la fête des pères, en ce mois de juin consacré à l’enfance ? Comme d’autres mamans, dimanche dernier, j’ai eu droit aux récitations et aux cadeaux de la part de mes trois petits anges et de leur père, ce dont je leur suis profondément reconnaissante. Dimanche prochain, nous rééditerons certainement la fête, avec au centre de l’attention cette fois le plus beau papa du monde.
Mais au-delà de ces fêtes, dont le caractère commercial n’est plus à discuter, quelque chose me gêne. Ne passons-nous pas à côté de quelque chose de fondamental chaque année en fêtant les parents ? Certes, il est normal de fêter les parents, ne serait-ce que pour les nuits blanches qu’ils passent à s’occuper de leurs petits, ou des « sacrifices » qu’ils font quotidiennement pour leur rendre la vie plus confortable. Moi-même, je suis habitée par une fierté excessive et quasi enfantine à chaque fois que je pense à mes trois accouchements par voix basse sans péridurale (voyez ici ma prétention avérée !) Mais je sais aussi que derrière les rires, les câlins, les gâteaux…il existe une réalité beaucoup plus complexe.
Etre parent n’est pas facile. C’est même le rôle qui est peut-être le moins évident et pour lequel on est le moins préparé du monde. Et c’est peut-être aussi le rôle dont on parle le moins à Madagascar. Face à nos difficultés sociopolitiques et économiques, nous avons tendance à donner tort au système éducatif, aux politiciens, aux religieux, aux colonisateurs… nous oublions souvent que tous les hommes et toutes les femmes qui décident maintenant de notre sort ont tous été un jour des enfants. Des enfants qui ont été élevé et façonné par des parents. Quelles valeurs leur ont été transmises par leurs parents au sein de leur cellule familiale?
Nous-mêmes aujourd’hui, en tant que jeunes parents, réfléchissons-nous assez au futur de nos enfants ? J’ai un jour été étonnée d’entendre un jeune père de famille affirmer que son objectif dans la vie était de construire une maison pour chacun de ses trois enfants, lesquels enfants sont aussi jeunes que les miens. Je ne formulerais jamais de tels objectifs pour mes propres enfants. Que pourrais-je leur apprendre, en leur offrant ainsi sur un plateau une maison ? Que seule la sécurité matérielle et financière importe ? Que dans la vie, il n’est pas nécessaire de fournir le moindre effort ? Si je devais me fixer de tels objectifs, je risquerais de renoncer à mes propres idéaux pour pouvoir espérer devenir riche rapidement. Bien sûr, face à la difficulté économique que chacun d’entre nous vit au quotidien, il est peut-être légitime de se dire « je ne permettrais jamais à mes enfants de revivre mes propres galères ». Mais au-delà, qu’est-ce que l’enfant aura appris ?
Les fêtes des mères et des pères devraient offrir une opportunité de réflexion à tous les parents du monde, au lieu d’être des fêtes de complaisance. Chaque fois que je regarde dans les yeux de chacun de mes enfants, j’angoisse à l’idée de ne pas faire les bons choix et de dire les bons mots, pour qu’ils deviennent plus tard des adultes responsables, des adultes qui auront un sens de l’éthique élevé, des citoyens du monde qui pourront aider à construire un avenir meilleur pour toute l’humanité. En effet, il n’est pas facile de transmettre des valeurs telles que l’intégrité, l’honnêteté, le respect de soi et des autres…surtout en dehors de tout système religieux, qui risque d’être aliénant et de favoriser l’exclusion.
Il n’est pas utile de nous culpabiliser. Peut-être est-il seulement temps de nous accorder, nous les jeunes parents d’aujourd’hui, l’appui qu’il nous faut pour que nous puissions jouer notre rôle de guides et d’accompagnateurs ? Nous, les parents, nous avons une lourde responsabilité sur nos épaules. Mais nous ne pourrons pas porter seuls cette responsabilité. Des programmes d’appui aux parents malgaches devraient voir le jour. J’espère que cet article pourra, d’une certaine façon, permettre de faire avancer les choses dans ce sens. Pour qu’on aille au-delà des simples festivités. Et que l’on accorde aux parents l’attention qu’ils méritent.